L’ère nouvelle d’un air nouveau

 

Parc d’attractions

Deux conceptions circulent à Crans Montana : la « station intégrée » défendue par le groupe CMA et la station « familles » promue par l’Office du Tourisme. La « station intégrée » dispose des remontées mécaniques, de restaurants « maisons » et de services annexes (logement, santé-bien-être). La station « familles » dispose d’attractions multiples et variées, de chemins et parcours divers, d’évènements été-hiver et utilise les équipements commerçants pour sa logistique (hôtels, restaurants, commerces indépendants). Certains y trouvent deux visions concurrentes alors qu’elles ont le même sens : le parc d’attractions.

 

Ouvert ou Fermé

Le parc d’attractions, qu’il soit « ouvert » (la station « familles ») ou « fermé » (la station « intégrée ») se distingue du village ou de la ville par le fait qu’il ne s’adresse qu’à une population éphémère, sans autre lien que celui de consommer des services pendant un temps plus ou moins court. On ne s’étonnera donc pas du raccourcissement des séjours, spécialement chez les résidents secondaires pourtant premiers clients de la station.

Le parc d’attraction propose des services à consommer pour des clients captifs pour la station « intégrée » ou indépendants pour la station « familles ». Le parc d’attraction ne propose pas de vie sociale car celle-ci se construit dans le temps long qui contredit l’objectif de consommation immédiate.

 

Combien ça coûte ?

Le parc d’attraction demande d’énormes investissements en infrastructures (remontées mécaniques, parkings, salles, patinoires…). Il doit recréer une vie instantanée et théâtrale, construite avec des équipements collectifs. On retrouve ce concept sous le nom que lui donne les professionnels : la « destination ». A contrario, la vie résidentielle relève principalement de l’investissement privé (chalet, maison, appartement, mais aussi commerces et services à la personne) comme dans tout milieu villageois ou urbain.

 

L’Histoire contre la Géographie ?

En poussant l’analyse, on pourrait dire que le parc d’attractions n’est que Géographie, tandis que la résidence relève d’une Histoire prenant sa place dans une Géographie.

Lorsque les deux modes se trouvent mêlés de façon dynamique, la progression de la Géographie chasse l’Histoire tandis que la progression de l’Histoire ne s’effectue que dans le temps long. Cette différence des échelles temps est une source inévitable de malentendus et parfois de conflits.

La crise sanitaire nous amène à réfléchir. Les déplacements se font plus difficiles, en temps, en dates, en distances. Les clientèles changent, les résidents principaux ou secondaires s’interrogent sur leurs lieux et leurs parcours de vie (version privée du « plan de carrière »). Les collectivités publiques et les entreprises privées et commerces font face à des défis auxquels personne ne pouvait réellement s’attendre si brutalement.

 

Le changement, l’iceberg d’une crise

Les parcs d’attractions peuvent se vider du jour au lendemain, à la faveur d’une mode ou d’une menace. La construction d’un tissu social est une œuvre de longue haleine, sauf urgence. La crise sanitaire est-elle une véritable opportunité pour consolider l’un ou l’autre ?

Un parc d’attraction se construit avec des infrastructures et des clients. Un tissu social se construit avec des liens, avec ce qui relie. Le lien, c’est ce qui rend solidaire, ce qui permet de faire société. Sa construction se fait dans le temps, par la recherche d’une constance, d’une régularité, par laquelle une sécurité s’installe, une sécurité garantie par une collectivité fondée sur une culture partagée et donc, des expériences communes.

A l’heure du « rester chez soi », de la distanciation et du télétravail, force est de constater que la première victime est le rassemblement, qu’il soit lointain grâce au transport aérien, ou proche lorsque l’on invite un « public ». Le transport aérien a chuté des trois-quarts tandis que les rassemblements publics sont interdits ou lorsqu’ils sont sécurisés posent un sérieux problème sanitaire notamment dans les phases de flux croisés.

Les évènements culturels et commerciaux vont devoir se réinventer tandis que le tourisme de masse (15% de l’économie mondiale) est dans un coma profond d’où il risque de ne pas se relever.

 

Les premiers signes

Par conséquent se dessinent de nouveaux paradigmes dont les signes sont apparus dès le premier confinement. Le pendulaire passe du mouvement binaire à la valse à trois temps : prisonnier hebdomadaire du couple domicile-travail, privé de soupapes de détentes exotiques une ou deux fois par an, il redécouvre les charmes de la résidence de week-end reconvertie en véritable seconde résidence. Le marché immobilier ne s’y est pas trompé, ce qui a permis de trouver preneurs et de vider une partie des stocks des quelques 1500 appartements du Haut Plateau proposés à la vente. Domicile principal – Résidence secondaire – Télétravail se conjuguent désormais sur un besoin de diversité géographique redéfini, où l’authenticité revient plus que jamais.

 

Une nouvelle approche à trois dimensions

Ce nouveau triptyque découvre son voile et fait naître une nouvelle approche, celle d’une vie sociale, laborieuse et de détente en trois dimensions dont deux géographiques. Le concept peut aussi bien s’étendre aux visiteurs de régions voisines qui viendront chercher un nouvel équilibre.

L’offre devra donc s’adapter à ce nouveau mode de vie tridimensionnel. Aux extrêmes, la résidence pure fabrique les cités dortoirs, tandis que l’attraction pure n’est qu’infrastructure coûteuse exposée au naufrage économique. Au centre de ces deux extrémités dont les jours sont comptés, il y a une vie sociale authentique qui se compose certes d’une nature respectée mais aussi d’architecture, d’urbanisme, de mobilité, et d’évènements culturels multiples et de qualité. Faut-il remarquer que ces dimensions sont totalement absentes du plan intercommunal CM2030 ?

 

Concrètement et sans attendre, l’action doit :

–       Restaurer un urbanisme convivial et adapté (revoir rues, places, façades, etc)

–       Rénover les bâtiments anciens (techniquement par l’isolation par exemple, esthétiquement pour un urbanisme plus chaleureux).

–       Décider enfin de la mise en œuvre d’une mobilité douce et respectueuse de l’environnement.

–       Développer et rendre accessible la Culture (œuvres d’art dans l’espace public, spectacles de rue ou de plein air, musique au golf ou en montagne, fêtes locales authentiques, célébration des traditions mais aussi des innovations).

–       Privilégier la qualité des services (accueil, communication digitale adaptée) et corriger les ratés de la dispersion (chacun possède une longue liste de ce qui fonctionne mal…)

–       Cesser les nuisances des travaux publics permanents.

–       Inciter ces actions par des mesures politiques de soutien actif.

C’est sur ces axes de réflexion et d’action que se (re)construiront des hauts lieux de vie après une période d’égarement dans l’argent facile et le loisir bon marché.

A revoir !

 

Jean Metz                                                                  novembre 2020

Comité Apach                                                            jean.metz@lechamayen.org

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