Vendredi 3 avril 2020, 16 :00, route des Mayens, Crans Montana, en confinement

Le soleil brillant revenu, n’a pas encore chassé l’air froid que l’anticyclone nous souffle du Nord. Passé les travaux du carrefour de Lens qui poursuivent les finitions, la montée depuis Lens jusqu’à Crans se fait dynamique pour ne pas refroidir. La Fondation Opale n’est plus qu’un bâtiment décoratif, Alaïa Chalet un souvenir de gamins vieillis, du temps où l’urbain démonstratif arborait ses talents en mobilité inventive.

La route principale est réduite à la circulation de quelques artisans du bâtiment pour ceux qui peuvent encore travailler. La route des Mayens offre le spectacle d’une nature victorieuse d’activités humaines désormais coupables. Les volets clos ont repris leurs droits voire plus, parsemés de rares fenêtres ouvertes dont la lumière ne va pas jusqu’à faire entrevoir l’esquisse d’un mouvement.

Sortie de la route des Mayens pour traverser la route principale, sans se demander s’il fallait craindre une voiture : le silence avait déjà répondu. Montée par la route forestière saluant l’ancien chalet de Bécaud et bientôt arrivée au Pas de l’Ours, traversant les mêmes immeubles endormis. Le choc risquant d’être trop fort en abordant de front l’entrée de la station, un aller-retour jusqu’au sommet de Plan-Mayens ferait office de transition. Même constat, seuls l’un ou l’autre chantiers privés vivaient de quelques ouvriers. Six Senses se poursuit sans douter, Le Crans & Spa est fermé. Sa terrasse ensoleillée présentait les 4000 d’en-face exposés à la bise de fin d’après-midi, au chant ininterrompu par le service du thé qui ne se fait plus.

La descente s’effectue promptement, dopée par la curiosité de découvrir quelque chose en station voire l’attente de n’y rien trouver. Mais « rien », comment se peut-être ? Déboulant comme un missile de la route de Plan Mayens pour embouquer la rue du Pas de l’Ours, ne doutant même plus, de la concession exclusive que ce cap offrait au cycliste solitaire, les immeubles aux parkings déserts dressaient leur nouvelle inutilité. La Désalpe, Molino, vides. Trois voitures et deux piétons espacés devant la Coop, tandis que les banques n’offrent que distributeurs automatiques, tirant la langue de billets désormais moins utiles aux composeurs téméraires de codes acceptés.

Un petit tour de manège au rond-point de Cry d’Er, laissant Crans Montana dans l’attente d’une prochaine visite, pour aborder les Champs-Élysées de la gloire d’une station renommée, la rue du Prado. Deux étincelles de vie sur la gauche chez Edelweiss et Taillens et une lumière de vitrine de luxe à droite que l’on imagine oubliée. L’humain a fui au son des sirènes ; il s’est mis sur la moraine d’un phénomène.

Alors oui, on était « Vendredi », frais sorti d’une page de Robinson.

Pour que les nouveaux sauvages que nous sommes devenus, puissent songer à quoi ce temps va nous convertir…

Jean

Aux confins de Crans Montana.

Laisser un commentaire